mardi, juin 13, 2006

La proie de l'ombre : III

Brill, étrange village non loin d'Under City. Je ne sais pourquoi le diablotin m'a conduit ici, mais j'apprécie de voir autre chose que les murs ternes de la petite chambre que j'ai occupé ces derniers jours. Le voyage pour venir a eut un avantage, celui de me changer les idées au moins pour un temps. Je suis avide de découvrir ces terres. Mon compagnon cornu semble plus bavard que d'habitude, il m'explique en chemin qu'il est temps pour moi de découvrir mon nouveau peuple. Je retiens à grand peine un sourire ironique, je ne me suis jamais sentie appartenir à un peuple durant ma vie, pourquoi serait-ce différent maintenant.

Il semble que les réprouvés de Brill aient quelques tâches à me confier. Voilà qui est parfait ! J'ai hâte de voir ce dont je suis capable. Cette énergie que je sens en moi depuis ma mort, ne fait que croître. Je peux la sentir crépiter au bout de mes doigts. Il me faut apprendre à la dominer, à la domestiquer. Le diablotin me regarde d'un air méfiant. Je sens qu'il ne me fait pas confiance. Peu importe, je n'ai pas confiance en lui non plus. Fait nouveau autant qu'étonnant, ll semble être effrayé. Par quoi ? Par qui ? Par moi ? Il ne devait pas s'attendre à ce que ce pouvoir déferle en moi si vite, mais autre chose le perturbe. Je finirais bien par découvrir quoi. Il est moins vigilant, mon apparente docilité le rend imprudent. Je me garde bien de le contredire, ou de désobéir. Mon ancien maître m'aura quand même apprit quelque chose d'utile : la patience. La patience d'attendre le bon moment pour frapper. Toutes ces années de servilité, d'obéissance passive, à subir sans broncher ses coups, ses assauts, les privations... Je secoue la tête pour en chasser ces souvenirs. Le diablotin ne semble pas avoir remarqué que je ne suivais plus ses instructions, j'essaye de reprendre le fil de son discours.

Enfin ! Je suis seule, enfin je foule librement les plaines de Tirisfal ! Il apparaîtrait qu'un groupe d'humain de la croisade écarlate occupe le nord des terres. Une bonne raison pour tester l'étendue de mon pouvoir. Je suis étonnée que le diablotin m'ait laissé seule si tôt, mais je ne vais pas m'en plaindre. Je suis soulagée de ne plus sentir son regard sarcastique suivre chacun de mes gestes. Je prends mon temps pour me rendre au repaire des écarlates, observant avec attention le sombre paysage. L'ombre partout étend son voile, masquant les couleurs normalement vives de l'été qui s'annonce. La vie n'a plus vraiment ses droits ici, des corps sans vie et sans âme rodent dans le sous-bois s'attaquant à tout ce qui passe. Je les contourne, il me répugne de combattre ces créatures déchues pour le moment. Elles paraissent si semblables à moi... je me sens tellement vide depuis ma mort.

Les créatures déchues se font plus rares. Je ne dois pas être très loin de mon but. L'excitation me gagne, je suis impatiente d'en découdre avec des vivants, peu importe les raisons. Je n'ai pas oublié l'odeur enivrante du sang versé, l'exaltation du combat... pour défendre sa vie ?! J'éclate d'un rire macabre.

Je sens que je suis suivit, une brindille qui craque, je peux presque entendre un cœur qui bat. Une lueur argentée semble s'échapper de mes doigts. Je continue mon chemin, calmement, les poings serrés pour ne pas que la lueur me trahisse, attendre qu'il vienne à moi confiant en sa réussite. Soudain, je sens qu'il est prêt, il s'apprête à bondir. Je me retourne toujours calmement, un rictus haineux se forme sur mes lèvres. Il hésite... dommage pour lui, l'hésitation n'a pas sa place ici. Sans me concentrer, sans même y penser, je tends mon bras pour en faire jaillir une boule d'énergie à la lumière froide. L'homme à l'armure écarlate n'a pas le temps de prendre conscience de ce qu'il lui arrive, il est mort avant même de toucher le sol. Je regarde mon bras, sidérée, mais je n'ai pas le temps de me poser des questions maintenant, j’entends les clameurs d'autres hommes qui approchent. Je ferme les yeux un instant, pour sentir ce pouvoir affluer dans mon être. Quand je les rouvre, un groupe d'écarlates me cerne... et puis le chaos, la violence, les cris, les os brisés, le sang toujours... je laisse enfin libre cours à ma rage contenue depuis trop longtemps. De mes doigts fusent des éclairs meurtriers, faisants mouche à chaque trait. Ma dague n'est pas en reste. Je taille, je tranche, je brise. Je me surprends à rire durant la bataille, d'un rire froid, d'un rire dément.

Les corps gisent à mes pieds, enfin ce qu'il en reste, je ne sais pas depuis combien de temps je suis là, à les contempler. Je suis couverte de sang, la fin du combat est floue. Ivre de puissance, j'ai perdu contact avec la réalité, je me suis surprise à gouter les chairs de mes victimes, accroupie sur le sol, comme pour m'approprier leurs âmes. Pourtant je n'en ressens aucun dégout, juste une profonde lassitude. Ma tâche est accomplie, je laisse ce qui reste des dépouilles ainsi, à la portée des animaux sauvages, comme avertissement aux vivants.

Le diablotin semble satisfait en me voyant revenir tranquillement à l'auberge de Brill. J'ai apporté quelques symboles de la confrérie écarlate comme preuve de ma réussite aux réprouvés de Brill. Le diablotin n'ignore rien de ma réussite. Il ne me pose pas de questions, me désigne une chambre comme étant la mienne avant de partir je ne sais où. Je me sens étrangement calme, détachée mais pour combien de temps ?

Allongée sur le lit, les yeux fixés sur les lames du plafond, mon esprit s'envole, survole les prairies de Tirisfal et s'éloigne vers le Sud.
Je perds le fil...
Je perds pied...
Il fait si noir dans les ombres...

1 Comments:

Anonymous Anonyme said...

tu ecris toujours aussi bien

4:58 PM  

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