vendredi, juin 09, 2006

La proie de l'ombre : I

Ma famille, par pauvreté m’a cédé au plus offrant… je hais la pauvreté… je hais ma famille…

Une fois devenue adulte, mon maître voulait me faire courtisane, sans doute pour me punir de n’avoir jamais su lui donner mon âme…

Une nuit après s'être repus de mon corps, après avoir corrompu ma chaire une dernière fois, il s'est endormi, poisseux, immonde....

J'approchai doucement mes lèvres de son oreille pour lui susurrer : Ô cher " maître ", toi qui à reçu en legs de tes aïeux cette serpe prise à un coupeur de gui de mon pays, toi qui m'as reçu de par ma mère bafouée, vois une dernière fois comme je suis belle, ce soir je reprends ma vie.... "

Il ouvrit des yeux ronds, commença à vouloir parler, mais jamais le son ne franchit ses lèvres que j'avais patiemment appris à détester, je fis glisser la lame le long de sa gorge pour en faire jaillir le carmin de son sang. Pour la première fois il me donna du plaisir, pour la dernière fois il posa les yeux sur moi.

Couverte de sang, je pris le temps de me plonger dans l'eau de son bain, pour m'y rincer et m'y délasser. D'expérience je savais que personne ne viendrait jusqu'au petit matin. Je savourais tranquillement ce moment de joie, je pris le temps de m'habiller et de me maquiller. Il serait dommage de se faire prendre dans les couloirs de la maison, échevelée et couverte de sang.

Bien avant l'aube je pris le chemin de mes terres, je dû me cacher… souvent… tout le temps… Dès qu'une silhouette apparaissait à l'horizon, attendre le moment pour frapper, sans haine, juste munie du besoin impérieux de se nourrir. Ces jours d'errance sont des souvenirs d'une clarté insoutenable, du pain taché de sang au goût acre dans la bouche, l'eau chauffée par le soleil brûlant ma gorge desséchée.

Apres des jours et des jours, j'arrive enfin aux portes de mon pays, enfin mon pays, toi que je n'ai jamais connu, je vais courir sur tes vertes terres et y faire expier nos ennemis...

[...]

Voici des mois que je parcoure les terres d'Azeroth sans but, la haine vissée au ventre. Le meurtre de mon maître ne m'a soulagé qu'un temps. Je hais l'humanité ! Je hais cette population que j'ai pu croiser dans les cités que j'ai traversé, ces femmes insouciantes qui déambulent tenant par la main leurs enfants. J'évite comme la peste les tavernes bondées, tous ces hommes qui boivent, cherchant dans l'ivresse le courage, l'oublie et que sais je encore, me donnent la nausée. Qu'ils brulent tous en enfer ! Je ne me rends plus dans les villes, j'erre, passant d'une région à l'autre, tuant pour me nourrir, tuant pour m'enrichir, tuant pour le plaisir.


La vengeance me fut accordée mais à quoi bon. Mon âme n'est pas apaisée, mon maître me poursuit jusque dans mes rêves, je ne connais pas le repos. Pourtant je ne regrette rien, il me suffit de repenser à son souffle brûlant sur ma nuque, quand la nuit tombée, il venait rejoindre ma couche. Il n'a eut que ce qu'il méritait. Je peux encore sentir ce frisson d'excitation quand son sang a jaillit sous le baiser de ma lame.

Depuis quelques jours, je me sens observée. D'abord une sensation ténue à laquelle je n'ai pas prêté attention, je me méfie de tout le monde, cette sensation est sûrement crée par mon esprit malade. Mais les jours passent et cette sensation ne décroît pas, au contraire, je ressens très distinctement une présence. Amis? Je ne m'en connais pas. Ennemis ? Ceux que je me suis fait sont morts sous mes coups acharnés. J'observe... je cherche... je tente des feintes en me cachant rapidement pour voir qui peut me suivre... rien. Je perds patience, je hurle des imprécations espérant ainsi faire réagir l'entité qui me suit... rien. Perdrais je la raison ?

Je ne peux plus supporter cette sensation, je suis persuadée que l'âme de mon maître me poursuit pour reprendre la liberté que je me suis offerte au prix de sa vie. Je fuis droit devant moi, laisse échapper mon sac sur le sol. Je ne me prends pas le temps de le ramasser, je poursuis ma course éperdue. Ma gorge est en feu, je n'ai pas mangé ni dormit depuis plusieurs jours. Mes vêtements sont en lambeaux, déchirés par les ronces et la végétation que je traverse sans y prêter attention. Je tombe, me relève aussitôt, je sais pourtant que cette course va devoir prendre fin, mais tant qu'il me reste un soupçon d'énergie, je ne m'arrêterais pas.

Je ne sais pas où je suis, je ne sais pas où je vais. La région semble déserte, les arbres se font rares, le soleil est brûlant, j'ai terriblement soif. Mais toujours cette présence grandissante et étouffante autour de moi. Mais où se cache t'elle ?! J'aperçois un peu plus loin, une bâtisse taillée à même la roche. Je rassemble mes dernières forces pour m'y rendre, espérant, à défaut de trouver le repos, pouvoir me reposer un instant à l'ombre et peut être trouver de l'eau.

Grave erreur ! Ces jours d'errances sans sommeil ont émoussés mon attention, je franchis sans aucune précaution le seuil de la gigantesque porte, pénètre dans une longue salle et me jette sur le sol, épuisée.

Un ricanement retenti derrière moi. Je me retourne aussi vite que possible et me trouve face à un étrange groupe composé de quelques hommes, orcs et trolls. Sûrement des pillard, plus intéressés par l'appât du gain que par leurs origines respectives. Je ne peux pas fuir, je suis cernée. Je ne peux non plus négocier ma libération, j'ai perdu tous mes biens durant ma fuite de ces derniers jours. Il me reste ma haine et ma lame que je serre de toutes mes forces. Je trouve le courage de me redresser une dernière fois sans trembler. Le ricanement cesse. Je peux voir une lueur d'incrédulité dans le regard de l'homme que j'atteins en premier. J'ai le temps de lui enfoncer ma lame en plein coeur avant qu'il ne réagisse. Je sens une main me saisir par les cheveux... je sens la froideur de l'acier ricocher sur mes côtes... je sens mon sang se répandre sur le sol en une flaque poisseuse... je me sens chuter sur le sol et puis plus rien...
Le néant...
Le repos…
Enfin…

[...]

Aucune douleur, je n'ai ni chaud, ni froid, je n'ai ni faim, ni soif. J'ouvre un oeil. Je suis allongée sur un lit propre, dans une chambre toute simple. Outre le lit, je peux voir une commode en bois couverte de livres poussiéreux et sous la fenêtre un bureau et une chaise. Soudain, je peux ressentir à nouveau cette présence. Je me redresse scrutant la pièce nerveusement. J'ai l'impression que mes yeux me jouent des tours, l'air autour de moi semble se transformer en une petite silhouette. Ce n'est pas une hallucination. Apparaît devant moi, un diablotin a l'air obséquieux. Nous nous regardons longuement sans échanger une parole. Puis il finit par me lancer un sourire sarcarstique, en me disant : « Bienvenue dans la non vie Eauclaire... »